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Université de Liège - Centre de l'Oxygène, Recherche et Développement (C.O.R.D.)

Oxygène Actualités  2009 n°1




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Cette rubrique est destinée à informer le lecteur sur l'orientation que prennent les recherches sur l'oxygène, dans le monde et les laboratoires du CORD ou à le faire participer à des polémiques d'actualité. La fréquence des articles de cette rubrique sera de six par année, en moyenne.

Regards actuels sur l’évolution du traitement par antioxydants

De la stœchiométrie à l'anti-catalyse


C.DEBY et G.DEBY-DUPONT

     Au cours des années qui suivirent les travaux de Fridovich et McCord sur le rôle primordial de l’anion superoxyde (O2) dans la genèse d’espèces très oxydantes et la découverte par ces chercheurs de la superoxyde dismutase, enzyme multipliant par mille la vitesse de transformation de O2 en peroxyde d’hydrogène (H2O2), se développa le concept de facteur pouvant modifier l’apparition des ROS (Reactive Oxygen Species: espèces oxygénées activées) et, surtout, réduire ou annihiler leur activité, dont seul le caractère dangereux apparaissait alors. Le paradigme de l’antioxydation biologique était né.
Les enzymes antioxydantes évitent l’apparition des ROS: la superoxyde dismutase, en réduisant considérablement le temps de vie de O2 diminue les chances de rencontre de cet anion avec le monoxyde d’azote (NO), inhibant ainsi la formation du très agressif peroxynitrite (ONOO-). L'H2O2 formé conduit à la création de diverses espèces très oxydantes, souvent radicalaires, comme les ions ferryls et le radical hydroxyle. H2O2 est donc un précurseur dangereux qui est détruit par une enzyme connue depuis longtemps, mais dont le rôle chez les mammifères n’avait jamais été bien expliqué: la catalase. D’autres enzymes présidant à la destruction du peroxyde d’hydrogène seraient découvertes au cours des années suivantes dont la glutathion (GSH) peroxydase et les thioredoxines. Les voies vers d’autres molécules très réactives qui partent de H2O2 pouvaient ainsi être fermées. Mais peu de choses étaient connues sur les possibilités d’activation de ces enzymes antioxydantes; ce domaine est encore en friche.

Une stratégie anti-ROS particulièrement intelligente
D’autre part, d’innombrables recherches sur les mécanismes de formation in vivo des ROS mirent en évidence l’activation d’enzymes prooxydantes au cours de divers processus pathologiques: l’ischémie-reperfusion, l’anoxie-réoxygénation et l’inflammation en sont les exemples les plus connus. Une des premières enzymes pro-oxydantes découvertes fut la xanthine-oxydase qui permit à Fridovich de mettre en évidence O2 in vivo. Responsable des phénomènes goutteux, la xanthine-oxydase est inhibée par l’allopurinol. Cet agent, relativement peu toxique, permet le traitement de la goutte en régulant l’activité de la xanthine-oxydase qui, dans cette maladie, produit de l’acide urique et de l’anion superoxyde. Ce traitement fut probablement le plus rationnel, le plus intelligent, d’une affection génératrice de radicaux libres: on n’écope pas l’eau de la fuite, on ne l’éponge pas, mais on coupe le robinet d’alimentation.

Oubliés les traitements rationnels : utilisation d’antioxydants agissant stœchiométriquement   
Mais par après, de nouvelles enzymes produisant l’anion superoxyde furent découvertes dont celles de la chaîne respiratoire mitochondriale et l’importante NADPH oxydase cytosolique, répandue dans divers types de cellules des mammifères, sous diverses formes très proches que l’on groupe sous le terme générique NOX. Les techniques de détection des ROS, puis des RNOS (espèces oxygénées et azotées activées) s’affinèrent; dès lors, la participation de ces agents, souvent à l’état radicalaire, à des pathologies importantes comme le poumon de choc, les états inflammatoires et (de moins en moins contesté) l’athérosclérose fut de plus en plus certaine.
Ces constatations suggérèrent l’application de traitements neutralisant les ROS, radicalaires ou non. On semble avoir oublié durant des années de recherches l’exemple de la thérapeutique de la goutte, décrit ci-dessus, où l’on modère l’enzyme prooxydante par l’allopurinol au lieu de vouloir neutraliser une à une les molécules de ROS, comme on va commencer à le faire avec les molécules antioxydantes agissant stœchiométriquement, molécule à molécule. Une telle thérapeutique, pour être efficace, exige une fourniture d’antioxydants élevée dont les effets secondaires ne sont pas forcément inoffensifs, même dans le cas de la vitamine E.

L’être vivant est plus compliqué qu’un bidon d’huile
Cette manière de voir fut probablement inspirée par les chimistes de l’industrie oléagineuse qui savaient depuis les années trente que le rancissement d’un volume d’huile non saturée (peroxydation) était considérablement ralenti par l’addition d’un composé capable d’arrêter un cycle de peroxydation au sein de la masse huileuse. Cette propriété fut découverte par Dufraisse et Moureux qui nommèrent ces précieux protecteurs antioxygènes. Mais, rapidement, les recherches se développèrent dans les pays anglo-saxons qui les baptisèrent antioxydants. Un bon antioxydant protège une masse huileuse à raison de 1 molécule pour 6000 molécules lipidiques. Des milliers de molécules antioxydantes furent ainsi découvertes avant la guerre de 40-45. Un petit nombre fut retenu eu égard à la faible toxicité et à l’absence de goût.
Au cours des années quatre-vingt, on transposa ces notions, établies pour des systèmes fermés (bidons, tonneaux), à atmosphère non renouvelée, non cloisonnés et renfermant des mélanges simples, aux systèmes vivants, ouverts (circulation continue de liquides, de molécules), continuellement réoxygénés, étroitement cloisonnés, d’une prodigieuse inhomogénéité.

Il est évident que vouloir neutraliser des molécules oxydantes avec des molécules antioxydantes est une opération stœchiométrique, c’est-à-dire molécule contre molécule  (efficacité 1 à 1) qui nous éloigne des antioxydants de l’industrie oléagineuse, efficace dans le rapport de 1 à 6000. Trente ans d’essais de supplémentation alimentaire par les antioxydants stoechiométriques les plus divers, en commençant par le tocophérol et le β-carotène, n’ont pu apporter le moindre résultat statistiquement fiable, comme l’explique le texte du chapitre XV de l’initiation à la biochimie de l’oxygène.

La stratégie anticatalytique, seule valable, en est encore à ses débuts.
Les recherches doivent revenir au procédé initial employé pour la xanthine oxydase: agir directement sur l’enzyme comme le fait l’allopurinol. Là, une molécule suffit pour bloquer ou ralentir la production de milliers de ROS. Il faut trouver des inhibiteurs spécifiques des NADPH oxydases, de la myéloperoxydase et de la NO synthase qui ne soient que faiblement toxiques et pénètrent dans les cellules. Les méthodes d’étude doivent utiliser des systèmes de « screening » basés sur le procédé SIEFED ou équivalent, puis sur cultures cellulaires, puis seulement en essais toxicologiques sur animaux.

Un nouveau champ de recherches, permettant un rapide développement, est ouvert.


 

   

 


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