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L'Oxygène et la Vie: Tome II - L'Oxygène en Pathologie des Mammifères

Mitochondries et métabolisme de l'oxygène

Seconde partie : Troubles de l'oxygénation et mitochondries

Carol Deby


Chapitre II : Anoxie-réoxygénation

Note: pour la facilité de la lecture,
1. chaque référence dans le texte comporte un lien vers les pages de bibliographie
2. les abréviations et les formules chimiques sont reprises dans les pages du glossaire ; elles sont également identifiées directement dans le texte (apparition en arrière plan lors du pointage de la souris)

L’anoxie-réoxygénation est distincte de l’ischémie-reperfusion dans le cas du poumon continuant à être ventilé.

En général, cette expression convient pour les cellules et les tissus cultivés in vitro. Ce nouvel angle pour envisager les lésions d’ischémie découle évidemment du concept de no-reflow, mais met l’accent sur une intervention plus directe du métabolisme de l’oxygène dans cette pathologie ; on en vient aux nouveaux concepts de biologie moléculaire, en faisant progressivement intervenir les mitochondries.
Dès 1978, Whitmer et al. montraient qu’une réduction dans le flux coronarien provoquait une chute de la consommation d’acides gras, substrats énergétiques majeurs du myocarde, utilisant entre 60 et 90 % de l’oxygène consommé par ce muscle (Opie, 1969; Neely et Morgan, 1974). Rappelons que c’est dans la matrice mitochondriale que s’accomplit le catabolisme des acides gras.

On constata qu’après une hypoxie sévère, la réoxygénation s’accompagne d’« une montée paradoxale » de lésions qui fut dénommée « oxygen paradox » (Ganote et al., 1975; Hearse et al., 1976 et 1978). C’était une transposition biochimique du « no-reflow phenomenon », témoignant d’une méconnaissance mutuelle des travaux, explicable par le cloisonnement des disciplines et par la circulation des informations encore difficile à cette époque.

Des travaux montrèrent que l’usage des anti-inflammatoires non stéroïdiens limitaient les lésions myocardiques dues à l’hypoxie (Deby et al., 1979; Karmazyn et al., 1981).

Une étude de l’effet de l’hypoxie sur la biochimie d’hépatocytes isolés montra qu’une anoxie de 30 minutes provoque une chute du calcium mitochondrial (Aw et al., 1987) ; plus tard, on constata une chute de l’ATP et une remarquable montée du Ca2+ dans le cytosol des cellules hépatiques, même lorsque les perfusions ne contenait pas de Ca2+. On en déduisit que le calcium provenait des mitochondries (Gasbarrini et al., 1992).

La cellule endothéliale anoxiée, puis réoxygénée, se révéla être une source de ROS (Ratych et al., 1987). Une première explication de ce phénomène fut fournie par Zweier et al. (1994) qui l’attribuèrent à une conversion, due à l’hypoxie, de la xanthine déshydrogénase en xanthine-oxydase productrice d’anion superoxyde. Cette enzyme fut tenue pour responsable de la genèse d’espèces oxydantes, car en hypoxie, le taux de base des métabolites dérivant du catabolisme de l’adénine (hypoxanthine, xanthine et acide urique) s’élève (Deby et al., 1981) ; on attribua longtemps cette montée des catabolites de l’adénine à la destruction de l’ATP, ce qui n’est que partiellement exact (McCord, 1985). L’allopurinol, inhibiteur spécifique de la xanthine-oxydase, abaissait le taux de ROS mesuré (Adkins et Taylor, 1990; Vaughan et al., 1992).

Dans le cas du poumon, la différence entre anoxie-réoxygénation et ischémie reperfusion devient particulièrement nette. Le clampage de l’artère pulmonaire donnera des résultats différents selon que la ventilation est maintenue ou non. Le tissu pulmonaire ischémié, mais ventilé, ne présente pas de chute d’ ATP comme c’est le cas si on cesse la respiration assistée ; dans ce dernier cas, la chute d’ATP est aussi importante que celle que l’on constate dans les autres organes tels que le foie, le rein, l’intestin, le myocarde et les tissus cérébraux. L’anoxie-réoxygénation, dans le poumon non ventilé, provoque la synthèse de ROS, phénomène n’apparaissant pas si la ventilation est maintenue (Jackson et al., 1992; Zhao et al., 1997).

Dès 1997, une autre enzyme mise en cause pour expliquer la formation de ROS lors de la réoxygénation fut la NADPH oxydase, car l’utilisation du diphényliodonium (DPI), inhibiteur de cette enzyme, diminue nettement cette production (Doussière et al., 1991).

1. Origine mitochondriale des ROS et du Ca2+ durant l’anoxie-réoxygénation

Dès 1989, Das et al. montraient la part importante fournie par les mitochondries dans la production de ROS durant l’anoxie-réoxygénation, travaux confirmés peu après (Ambrosio et al., 1993).

Silverman (1993) montra l’intervention des mitochondries dans la régulation du Ca2+ cytosolique durant l’hypoxie-réoxygénation. Le rôle central des mitochondries dans les dommages dus à la reperfusion ou à la réoxygénation commença à être envisagé (Piper et al., 1994), ces organelles jouant soit un rôle favorable si elles ont gardé la capacité de synthétiser de l’ATP, ou au contraire contribuant à un effet létal (Delcamp et al., 1998). La reprise même de la production d’ATP peut être responsable, dans le myocarde, d’une hypercontracture des myocytes, amenant des lésions irréversibles (Stern et al., 1985). Delcamp et al. (1998) attribuent cette hypercontracture à une interaction entre l’ATP et le Ca2+ dans le cytosol. Les mitochondries régulent en partie l’homéostasie du Ca2+.

La production de ROS en excès par les mitochondries de cellules préalablement hypoxiées et privées de glucose puis ré-oxygénées s’effectue par un processus impliquant un céramide (Therade-Matharan et al., 2005).

2. L’hypoxie favorise l’apoptose induite par NO

Le NO inhibe, dans certaines conditions, la cytochrome oxydase (voir première partie, chapitre III). S’enclenche alors le mécanisme suivant : de par l’inhibition de la cytochrome oxydase, le potentiel de la membrane mitochondriale interne s’abaisse, entraînant une cascade de phénomènes permettant l’ouverture du mégapore et la fuite du cytochrome c dans le cytosol ; la cascade menant à l’apoptose se produit alors (chapitre VII). L’hypoxie provoque le déclenchement de ces phénomènes qui s’aggravent lors de la ré-oxygénation (Lee et al., 2002).

3. L’hypoxie-réoxygénation stimule l’expression du gène de l’hème-oxygénase 1

L’hème-oxygénase contrôle la disponibilité des hèmes dans la cellule en les catabolisant en biliverdine, empêchant ainsi la présence trop abondante de catalyseurs d’oxydations et de peroxydations (Ohlmann et al., 2003).


Troubles de l'oxygénation et mitochondries - Chapitre III: Ischémie-reperfusion
Mitochondrie et oxygénation - Sommaire
Mitochondries et métabolisme de l'oxygène - Introduction
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