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L'Oxygène et la Vie: Tome II - L'Oxygène en Pathologie des Mammifères

Mitochondries et métabolisme de l'oxygène

Carol Deby


Introduction

 

La privation d'oxygène est supportée de manières diverses par les êtres vivants aérobies. Certaines cellules, comme les chondrocytes constituant le tissu cartilagineux, vivent dans une concentration d'oxygène correspondant à 5%.
Mais l'oxygène est indispensable à la vie et sa privation entraîne la mort, avec une rapidité dépendant de la nature des cellules.

 

obstruction arterielle

Fig. 1 : Dans la partie gauche de la figure, les tissus (schématisés par un grillage) ne sont irrigués que par une seule artère (A); l’obstruction de celle-ci par un thrombus entraîne la nécrose du tissu qu’elle alimentait (B).
Dans la partie droite, deux artères se partagent l’irrigation du tissu (C). La thrombose d’une des artères est compensée par un débit de sang accru dans l’autre artère (D).
Le premier cas est un exemple de circulation terminale, le deuxième de circulation anastomosée.
L’hypoxie est la situation d’un être vivant plongé dans une atmosphère contenant un pourcentage d’oxygène inférieur à 21% ; l’anoxie est réalisée quand ce pourcentage est nul. L’hyperoxie commence au delà des 21 % d’oxygène. L’hyperoxie peut être normobare lorsque le mélange gazeux est à la pression atmosphérique, ou hyperbare lorsque cette pression est augmentée. Il y a une forme d’hyperoxie relative qui se produit au niveau des tissus qui sont normalement soumis à une pression d’oxygène beaucoup plus basse que les autres ; c’est le cas des chondrocytes chez lesquels l’hyperoxie commence au-delà de 5% (Schneider et al., 2004*). L’ischémie est réalisée lorsque la circulation est arrêtée dans un tissu irrigué par une artère terminale (voir figure 1), ce qui entraîne une anoxie dans le tissu. La reperfusion est la situation du tissu ischémié lorsqu’on lève l’obstacle qui s’opposait à la circulation du sang et que se rétablit la normoxie.
*Schneider N, Lejeune JP, Deby C, Deby-Dupont G, Serteyn D. Viability of equine articular chondrocytes in alginate beads exposed to different oxygen tensions. Vet J. 2004; 168(2): 167-73.

Mécanisme de la mort par anoxie.

Durant les premières décennies de la biologie (avant 1900), la mort par privation d’oxygène semblait un fait tellement avéré qu’on ne pensait pas qu’il y eut des mécanismes mettant en cause des phénomènes chimiques et, encore moins, des réactions de biologie moléculaire. Ce n’est que vers les années trente avec la découverte des cytochromes, du cycle de Krebs et du rôle d’accumulateur d’énergie que constitue l’ATP, que l’on se rendit compte que, pour exister, les cellules produisent de l’énergie chimique d’une manière analogue à la combustion, ce qui demande de l’oxygène. Mais cette combustion ne peut être instantanée, comme lors de l’allumage d’un feu; elle doit s’effectuer par petites étapes: « La cellule a besoin de petite monnaie » avait déclaré le grand Michaélis.

Découverte du rôle des mitochondries dans la respiration

La fin des années cinquante vit le développement des techniques permettant l’observation des tissus et cellules en microscopie électronique, en même temps que se développait l’ultracentrifugation fractionnée. On put voir, agrandies des dizaines de milliers de fois, ces organelles (ou organites) devinées en microscopie optique. On put les isoler, les faire travailler et on reconnut que toute la machinerie productrice d’énergie est localisée dans ces espèces de saucisses d’où sortent les molécules d’adénosine triphosphate (ATP); ces accumulateurs énergétiques cèdent leurs calories dans le cytosol là où se déroulent les réactions endothermiques (ou endergoniques); l’ATP est le combustible des moteurs qui permettent la contraction musculaire, le déplacement d’une cellule mobile, le fonctionnement des pompes à ions, etc... L’ATP est produit par les mitochondries qui occupent ainsi une position clé en physiologie.

Elévation lente du potentiel électrochimique dans la mitochondrie

La libération d’énergie résultant de la réduction de molécules d’oxygène en eau est une réaction hautement exothermique qui est permise par l’arrivée continue d’électrons arrachés à des substrats organiques (cycle de Krebs). Ces électrons sont apportés par une chaîne de transport le long de laquelle ils perdent progressivement leur énergie électrochimique, utilisée pour transformer l’acide adénosine diphosphorique (ADP) en acide adénosine triphosphorique (ATP). Lorsque les électrons appauvris en énergie arrivent en bout de chaîne et rencontrent les molécules d’oxygène, le dégagement de calories est fortement affaibli: il ne se produit qu’un faible dégagement de chaleur. Le lecteur peu familiarisé avec ces notions électrochimiques peut comparer ces pertes progressives d’énergie à la chute d’un homme tombant de cinq étages et transformant, en peu de secondes, en énergie cinétique l’énergie potentielle qu’il avait acquise en montant au cinquième étage. Les résultats mécaniques qui produisent un polytraumatisme dans le cas de la défenestration seront tout à fait différents si le sujet descend les cinq étages en empruntant l’escalier. La transformation de l’énergie potentielle sera beaucoup plus longue et le sujet arrivera sain et sauf au rez-de–chaussée.

La mort par anoxie commence souvent dans les mitochondries

Ces organelles produisent continuellement des radicaux libres et des espèces oxygénées activées (ROS). Lors de la reperfusion, cette production augmente et, avec des troubles du transport du calcium, menace l’intégrité mitochondriale et provoque notamment l’ouverture d’un pore de la membrane externe de l’organelle. Ce pore, ouvert, laisse sortir dans le cytosol certaines protéines déclenchant une cascade de réactions aboutissant à l’activation, dans le noyau cellulaire, de DNAases qui vont morceler l'acide désoxyribonucléique (ADN ou DNA:desoxyribonucleic acid): c’est la mort cellulaire par apoptose.

Mitochondries et métabolisme de l’oxygène

Ces organelles sont :

le lieu de consommation de l’oxygène et de production de ROS,
le lieu de production contrôlée d’énergie par synthèse d’ATP, fuel des moteurs de la cellule,
le lieu de démarrage d’apoptose durant la reperfusion.

Ordre d’étude du sujet

• Première partie : Mitochondries et oxygénation

Sommaire
Chapitre 1 : Généralités
Chapitre 2 : Phosphorylation oxydative
Chapitre 3 : Régulation de la chaîne de transport des électrons et de la phosphorylation oxydative
Chapitre 4 : Phénomènes redox mitochondriaux
Chapitre 5 : Ions et canaux membranaires mitochondriaux
Chapitre 6 : Production de ROS par les mitochondries
Chapitre 7 : Rôle des mitochondries dans l’apoptose
Chapitre 8 : Protection anti-ROS mitochondriale
Bibliographie
Glossaire

• Deuxième partie : Troubles de l’oxygénation et mitochondries

Sommaire
Chapitre 1 : No-reflow phenomenon
Chapitre 2 : Anoxie-réoxygénation
Chapitre 3 : Ischémie–reperfusion
Chapitre 4 : Ischémie-reperfusion: traitements
Chapitre 5 : Synopsis du rôle des ROS dans les affections cardiaques
Bibliographie
Glossaire


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